« La Côte d’Ivoire a été le pays ayant le plus contribué à l’atteinte de l’objectif du PO de l’an dernier, avec 121 000 utilisatrices additionnelles »
Après avoir abrité en 2016 la 5ème RAPO, Abidjan, la capitale de la Côte d’Ivoire, accueille pour la 2ème fois la 12ème RAPO qui démarre ce lundi 11 décembre 2023. Le Ministre de la Santé, de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle (MSHPCMU), Pierre N’Gou Dimba, exprime dans cet entretien ci-après, la fierté de son pays d’abriter cette grande rencontre sous régionale, et revient sur les initiatives prises pour contribuer à l’atteinte des objectifs du PO.
Comment accueillez-vous cette grande rencontre sur la Santé de la reproduction et de la Planification familiale (SR/PF) ?
C’est une fierté pour la Côte d’Ivoire d’accueillir cette réunion annuelle sous régionale. Le Président de la République nous a instruit pour réserver un accueil chaleureux et témoigner de l’hospitalité ivoirienne aux différentes délégations des pays frères de la sous-région et à nos partenaires à travers le monde.
Notre pays a été choisi à l’unanimité, compte tenu des nombreux défis qu’elle a su relever, afin de promouvoir l’accès des femmes et des familles aux produits et services de Planification familiale (PF). L’an dernier, sur les 454 000 utilisatrices additionnelles de méthodes modernes de contraception qui ont été répertoriées dans les pays du PO, la Côte d’Ivoire a été le pays ayant le plus contribué à l’atteinte de cet objectif, avec 121 000 utilisatrices additionnelles.
Cette réunion est donc l’occasion pour échanger sur les progrès enregistrés dans les pays, célébrer les succès, discuter des difficultés ainsi que des défis rencontrés et convenir des solutions et priorités à considérer pour l’année suivante.
Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire attend de cette 12ème RAPO ?
C’est le lieu d’échanges d’expériences ou chaque pays présentera son bilan sur les données de la PF depuis la dernière rencontre au Niger. Cela nous permet de prendre de nouvelles orientations à travers des actions ciblées en vue de l’amélioration des indicateurs en santé sexuelle et reproductive. C’est le lieu de dire merci aux nombreux partenaires qui seront présents, et qui ne cesseront de nous appuyer sur le plan financier et technique.
Le thème de cette 12ème RAPO est « Genre et santé reproductive : les stratégies pour un changement social et comportemental en faveur de la jeunesse ». Votre pays a-t-il pris des initiatives dans ce sens
Bien entendu à travers :
Promotion des pratiques et attitudes favorables à la santé des adolescents et des jeunes
Pour promouvoir le changement social et comportemental en faveur de la jeunesse, il apparait primordial de rechercher les causes profondes des comportements à risque chez les adolescents et des jeunes, de les comprendre et s’attaquer à ceux-ci. Il s’agit entre autres, des inégalités entre les sexes, de la pauvreté, des violences sexuelles basées sur le genre, des rapports sexuels forcés, des mariages d’enfants, des pesanteurs socioculturelles, de l’exclusion du système éducatif et du manque d’emploi, des attitudes négatives envers les filles, etc.
C’est dans ce cadre que mon pays, à travers mon département ministériel, a opté pour une approche globale qui s’adosse sur les engagements pris aussi bien au plan international, sous régional que national.
Aujourd’hui, nous nous appuyons sur la stratégie de Communication pour le Changement Social et de Comportement (CCSC) qui est enseignée et promue à tous les niveaux de notre système de santé.
Approche globale dans la responsabilisation des adolescentes et jeunes afin qu’ils adoptent une sexualité responsable
Pour cela, l’Education à la Santé et à la Vie Saine (ESVS) communément appelée Education Complète à la Sexualité (ECS) est une stratégie qui permet de développer la résilience des adolescent(e)s et jeunes face aux fléaux qui les assaillent, en particulier sur les questions de santé sexuelle et reproductive. Ainsi, la dispensation, à tous les jeunes, d’un programme complet d’éducation sexuelle adapté à leur âge, s’accompagne de :
- Investissements importants en faveur de l’éducation des jeunes filles (maintien de la jeune fille à l’école, école obligatoire, etc.) ;
- Développement de programmes de lutte contre les mariages d’enfants, les violences sexuelles et les rapports sexuels forcés (Programme national de lutte contre les violence basées sur le genre) ;
- Construction d’une société respectueuse de l’égalité des sexes en donnant de l’autonomie aux filles et en impliquant les hommes et les garçons dans la promotion et la préservation des droits de celles-ci ;
- Renforcement de l’accès des adolescentes à l’information en matière de santé sexuelle et reproductive ainsi qu’à des services qui les accueillent et les accompagnent dans leurs choix et décisions (Services de santé Scolaires et Universitaire – Santé Adolescents et Jeunes – SSSU-SAJ) avec création d’espaces sûrs et conviviaux.
L’accès des jeunes aux services de SR /PF et également certains groupes spécifiques constituent toujours des points à améliorer. Quelle est l’approche de votre pays, pour prendre en compte les besoins des jeunes et adolescents dans les programmes de santé de la reproduction, mais également pour réduire les inégalités constatées dans le domaine de la SR/PF ?
- Appliquer la loi sur la Santé de la Reproduction
- Assurer la gratuité des produits contraceptifs
- Accroitre le nombre de SSSU-SAJ (services dédiés aux adolescents) dans le pays
- Développer la communication entre parents et enfants dans les ménages
Quels sont les progrès clés enregistrés par la Côte d’Ivoire dans le domaine de la SR/PF, notamment la SRAJ, depuis la dernière rencontre du PO tenue à Niamey en décembre 2022 ?
Depuis la rencontre du PO en décembre 2022, la Côte d’Ivoire a enregistré quelques progrès clés : - Amélioration de la couverture nationale en SSSU-SAJ (ouverture de nouveaux services dédiés à la santé des adolescents et jeunes ;
- Financement de l’achat des produits PF mais surtout des intrants ;
- Amélioration de l’accès des adolescents et jeunes à l’information à travers la plateforme interactive e-santé jeunes ;
- Amélioration de la gestion des données de la santé des adolescents et des jeunes à travers l’utilisation de DHIS2.
Quels sont les défis majeurs qui se posent à votre pays en matière de SR/PF que vous travaillez à relever ?
- Inexistence de loi santé sexuelle et reproductive/Planification familiale (SSR/ PF) ;
- Faiblesse des consultations prénatales 1 (CPN 1) au premier trimestre ;
- Gratuité de la PF sur toute l’étendue du territoire ;
- Insuffisance dans la prise en charge des nouveau-nés.
Les acteurs de la société civile ivoirienne revendiquent la loi sur la SSR qui tarde à venir, monsieur le ministre, qu’est-ce qui bloque ?
En effet, le ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture Maladie Universelle (MSHPCMU) veille à créer un cadre juridique propice aux activités SSR/PF. A cet effet, des échanges fructueux ont eu lieu avec le secrétariat général du gouvernement afin de mieux comprendre notre proposition et la soumettre en toute quiétude en conseil des ministres, puis à l’Assemblée nationale. Nous avons donc bon espoir de pouvoir disposer dans un délai très proche de cette loi.
En matière de financement, le gouvernement, avec l’appui de ses partenaires, fournit des efforts chaque année pour la promotion de la SR/PF ; mais les défis restent énormes. La Côte d’Ivoire a-t-elle développé des initiatives innovantes afin de mobiliser des ressources endogènes, et en impliquant le secteur privé ?
Plusieurs initiatives ont été menées par le MSHPCMU comme l’implication des collectivités décentralisées qui ont compris l’importance de leur appui dans le domaine de SR/PF.
L’objectif du PO est d’atteindre, d’ici 2030, 13 millions de femmes utilisatrices des méthodes modernes de contraception dans l’espace du Partenariat de Ouagadougou. Quel levier la Côte d’Ivoire compte actionner pour assurer sa part contributive ?
La Côte d’Ivoire a pris un engagement important à travers le lancement de la gratuité de la planification familiale et cela a été initié avec succès dans 10 districts sanitaires que sont Abobo- ouest, Aboisso, Agboville, Bouaké nord-ouest, Daloa, Port-bouet-Koumassi-Vridi, Sikensi, Tiassalé, Toumodi, Yopougon ouest et Songon. Cette stratégie lève la barrière de l’accessibilité financière à la PF.
Propos recueillis par B.S.
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