« La discontinuité de l’utilisation des méthodes contraceptives est un obstacle à l’atteinte des objectifs des programmes de PF », Pr Tieba Millogo directeur académique de l’Institut Africain de Santé Publique.
L’Institut Africain de Santé Publique (IASP), une institution d’enseignement supérieur et de recherche de type privé à but non lucratif fondé en 2013, a obtenu une subvention du PO pour mener une étude sur « la discontinuité de l’utilisation des services de PF au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Guinée ». Dans cet entretien, l’investigateur principal, Pr Tieba Millogo nous explique l’importance de cette étude pour l’atteinte des objectifs en PF dans les pays du PO.
Pourquoi la thématique de la discontinuité a retenu votre intérêt dans l’appel à candidature parmi d’autres ? Dites-nous à quel niveau vous en êtes ?
Parmi les six thèmes de l’appel à proposition lancé par l’UCPO, celui sur la discontinuité de l’utilisation de méthode contraceptive a tout de suite retenu notre attention et suscité notre intérêt. Bien que toujours insuffisante, la prévalence contraceptive a pratiquement doublé dans les pays de l’espace PO entre 2012 et 2022. C’est une amélioration significative qui devrait aussi se traduire en gains substantiels en matière de réduction de grossesses non désirées et de décès maternels. On constate malheureusement, qu’il n’y a pas ce parallèle attendu entre l’augmentation de la prévalence contraceptive et l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant dans les différents pays. Avec l’augmentation progressive de la prévalence contraceptive, il devient de plus en plus évident qu’obtenir une utilisation assidue et continue des méthodes contraceptives tant que le besoin est présent, est tout aussi crucial que l’incitation à l’initiation de leur utilisation. Les mesures visant à améliorer l’utilisation des services de PF doivent s’accompagner d’initiatives visant à améliorer la continuité de leur utilisation. Notre projet de recherche est mis en œuvre dans trois pays : Burkina Faso, Côte d’Ivoire et la Guinée. A ce jour, nous avons finalisé le protocole et les outils de la recherche, obtenu les autorisations des trois comités d’éthiques pour la recherche et la formation des agents de collecte des données qui est en cours pour le début effectif de la collecte des données.
Quelle peut être l’importance de cette étude, pour les décideurs, les gouvernants et les populations de ces pays membres du PO ?
La discontinuité de l’utilisation des méthodes contraceptives est un obstacle à l’atteinte des objectifs des programmes de PF. Les données existantes montrent qu’entre 22% et 66% des femmes qui initient une méthode contraceptive discontinuent son utilisation dans les douze premiers mois dans les pays de l’espace du PO. Notre étude permettra en plus de produire des données précises sur l’ampleur du phénomène à travers une étude prospective, d’identifier les facteurs associés à cette discontinuité et de formuler ainsi des propositions d’interventions pour améliorer la continuité de l’utilisation des méthodes contraceptives. L’amélioration de la Santé Sexuelle et Reproductive attendue de l’utilisation des services de PF en dépend largement.
Comment rassurer les acteurs que les données que vous allez produire seront de qualité ; car d’aucuns pensent que les données de nos instituts locaux ne sont pas de qualité ?
C’est déjà une erreur que de penser que nos instituts locaux de recherche produisent des données de mauvaise qualité. Nos institutions locales de recherche ont certes des capacités réduites comparativement à d’autres institutions, mais elles produisent des données qui sont publiées sur les plateformes internationales dédiées à cet effet et où la règle est l’évaluation par les pairs ou tout chercheur venant du nord ou du sud est soumis. Pour cette recherche comme pour toute nos recherches, des procédures d’assurance qualité des données sont mises en œuvre et commencent par la mise en avant dans le protocole de recherche des techniques de mesure les plus valides pour toutes les informations à collecter à une supervision rapprochée de la collecte des données et leur apurement, en passant par la formation des agents de collecte des données pour une harmonisation de la collecte des données. Tout ce processus est encadré par des procédures opératoires standardisées qui accompagnent la mise en œuvre de toutes les activités de la recherche.
En quoi votre recherche sur la discontinuité peut relever les défis d’utilisation des services de SR/PF particulièrement chez les jeunes ?
Les adolescentes et les jeunes femmes sont plus affectées par le phénomène de la discontinuité de l’utilisation des méthodes contraceptives. Notre étude permettra d’analyser les facteurs associés à la discontinuité par segments de population. Les facteurs spécifiques aux jeunes seront ainsi identifiés et des interventions spécifiques proposées. Ce sera une contribution substantielle à la lutte contre les grossesses non désirées en milieu scolaire dans un pays comme le Burkina Faso qui a mis en place la gratuité des méthodes contraceptives mais peine toujours à réduire ce phénomène.
A cette phase de la recherche, comment vous assurez-vous de la diffusion et de l’utilisation des résultats pour orienter la prise de décision politique et ainsi booster les indicateurs SR/PF dans les pays couverts par votre recherche et dans la région du PO ?
La réunion annuelle du Partenariat de Ouagadougou, le dialogue régional des jeunes ainsi que les ateliers régionaux du PO sur la recherche seront mis à profit pour la dissémination des résultats. Pour assurer la traduction des résultats en actions, des ateliers de cocréation de stratégies/interventions basées sur les évidences produites seront organisés et les décideurs au niveau des ministères de la santé sont impliqués dans le projet dès la formulation de la question de recherche.
Propos recueillis par Boureima SANGA
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